Souvenir de lycée, un poème de Robert Desnos, m’avait infiniment touchée et marquée…
J’ai tant rêvé de toi
J’ai tant rêvé de toi,
que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant
et de baiser sur cette bouche
la naissance de la voix qui m’est chère?
J’ai tant rêvé de toi,
Que mes bras habitués en étreignant ton ombre,
à se croiser sur ma poitrine,
ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l’apparence réelle
de ce qui me hante et me gouverne
depuis des jours et des années,
je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J’ai tant rêvé de toi
Qu’il n’est plus temps sans doute que je m’éveille.
Je dors debout, le corps exposé
à toutes les apparences de la vie et de l’amour.
Et que toi, la seule qui compte aujourd’hui pour moi,
je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres,
que les premières lèvres et le premier front venus.
J’ai tant rêvé de toi,
J’ai tant marché, parlé, couché avec ton fantôme,
Qu’il ne me reste plus et peut-être, pourtant,
qu’à être fantôme parmi les fantômes
et plus ombre cent fois que l’ombre
qui se promène et se promènera
allègrement sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, « Corps et biens ».
Autres poèmes…
http://argenttina.over-blog.com/article-l-arbre-il-etait-une-feuille-robert-desnos-99378134.html
Il était une feuille
Il était une feuille avec ses lignes
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de coeur
Il était une branche au bout de la feuille
Ligne fourchue signe de vie
Signe de chance
Signe de coeur
Il était un arbre au bout de la branche
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de coeur
Coeur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l’arbre
Racines vignes de vie
Vignes de chance
Vignes de coeur
Au bout des racines il était la terre
La terre tout court
La terre toute ronde
La terre toute seule au travers du ciel
La terre.
(Robert Desnos)
Notre paire
Notre paire quiète, ô yeux !
que votre « non » soit sang (t’y fier ?)
que votre araignée rie,
que votre vol honteux soit fête (au fait)
sur la terre (commotion).
Donnez-nous, aux joues réduites,
notre pain quotidien.
Part, donnez-nous, de nos oeufs foncés,
comme nous part donnons
à ceux qui nous ont offensés.
Nounou laissez-nous succomber à la tentation
et d’aile ivrez-nous du mal.
Robert Desnos
Vous mettrez une bouée sur ma tombe, parce qu’on ne sait jamais…